Le handicap, et plus largement l’inclusion en entreprise, sont (ou devraient l’être) au cœur des politiques RH des organisations. A quelques semaines des JO, Oristelle Marx, ancienne médaillée paralympique, nous livre son témoignage sur le sujet. Le rire d’Oristelle, si communicatif, nous embarque directement dans la conversation. Focus autour d’un café bien corsé et sur les avancées et le chemin qu’il reste à parcourir en la matière.

Bonjour Oristelle, merci de te prêter au jeu de l’interview. En préambule, peux-tu te présenter ?

Je suis Oristelle Marx, ancienne médaillée paralympique en tennis fauteuil (Barcelone en 92 et Atlanta en 96.). Je suis Chargée de Mission Inclusion et Handicap pour le Groupe Pomona (leader dans la distribution de produits alimentaires auprès de la restauration collective.) Pomona représente aujourd’hui 11 000 salariés en France et 90 succursales. Le Groupe est aussi le fournisseur officiel de Top Chef ! J’ai rejoint cette entreprise engagée il y a de cela 8 mois. On y retrouve une palette de métiers très différents (métiers supports, logistique…) avec de nombreux enjeux sur l’insertion. La mission handicap à laquelle j’appartiens comporte 45 référents handicap partout en France.

Quel est le rôle d’une mission inclusion et Handicap ?

Son rôle est double : définir la politique handicap de l’entreprise et l’animer. Nous définissons les grandes lignes de cette politique en y incluant des objectifs. Nous mettons ensuite en place les projets qui s’y rapportent et nous les animons. L’objectif est de faire vivre au quotidien la thématique dans l’entreprise et d’être au plus proche des salariés qui en ont besoin.

De mon côté, j’anime au global la mission. Cela passe notamment par tout le volet communication. Il s’agit de sensibiliser au handicap, en parler pour le rendre visible (même si 80 % des handicaps sont invisibles !). Au quotidien, il est important aussi de permettre l’acculturation au handicap sur l’ensemble des métiers. Mon rôle est aussi d’accompagner le réseau des référents handicap en leur donnant les moyens d’appliquer la politique handicap sur le terrain, en les accompagnant dans la formation, en faisant de la veille et en étant à leur écoute pour trouver des solutions à chaque problématique.

C’est aussi, plus globalement, être présente auprès du COMEX, du CODIR… pour toujours se donner les moyens et avoir le handicap et l’inclusion en tête… parmi l’ensemble des sujets.

Comment la vision du handicap évolue-t-elle en entreprise ?

Je suis de nature optimiste. On parle de plus en plus du handicap et de nombreux témoignages se font. On essaie aussi, je trouve, de dépasser le handicap pour aller sur les compétences. Il me semble primordial, pour les recruteurs, de ne pas regarder à prime abord le handicap mais plutôt de chercher la compétence des personnes. Ensuite, on voit comment adapter le poste si besoin.

Malgré cet optimisme, sur le terrain, on voit que les gens concernés par le handicap sont encore ultra frileux à en parler. On craint toujours la stigmatisation, la mise au placard… il y a encore du chemin à parcourir. Rappelons malgré tout, qu’une personne sur deux, au cours de sa vie, sera confrontée à une situation de handicap ponctuelle ou définitive. Il y a des entreprises très vertueuses, et de plus en plus, mais globalement il y a une vraie dichotomie entre le discours et la réalité.

Comment bien communiquer en interne sur le sujet ?

S’il y avait une recette je la donnerais bien volontiers ! Il faut varier les supports (papier, écran, événements…) pour que tout le monde puisse avoir accès à l’information. Il faut aussi sensibiliser de manière régulière. Par exemple, tous les mois, nous essayons (Pomona) de communiquer. On varie les programmes et les supports.

Mettre en situation de handicap les salariés est aussi une manière très efficace de sensibilisation. Cela est ludique et dynamique.  Le sport en est un bon moyen : basket en fauteuil, yeux bandés avec parcours guidé…). Directement, le regard des gens change et c’est électrisant… Il faut aussi avoir une intention, ne pas parler du handicap pour parler du handicap. L’idée est de faire passer un message et que les gens le retiennent.

Le but d’une mission handicap est aussi d’instaurer une relation de confiance entre le référent handicap et les salariés afin de permettre, lorsqu’une situation de handicap se présente, que la personne ait envie d’aller en parler au référent.

Les JO ont-ils le pouvoir de faire changer le regard sur la thématique ?

Oui, oui, oui !

Par expérience, dans les autres pays où j’ai participé aux JO, ils ont ce pouvoir. Je l’espère et j’y crois à tout point de vue.  Des personnes vont montrer leurs compétences sportives malgré leur différence. Ils vont montrer que l’on peut développer des capacités autres. J’espère aussi que cela aura aidé à mettre en accessibilité le pays (Paris notamment) et que l’état d’esprit changera sur le handicap.  

Question bonus, quel sera le prochain défi de l’inclusion dans les années à venir selon toi ?

Il y a de nombreux défis. Le handicap invisible en est un.  Les personnes qui le vivent sont très vite jugées et connotées négativement (au travail ou dans la vie personnelle). Il faut réussir à changer notre regard. Le second que je vois : l’accessibilité. En France, nous ne sommes pas du tout accessibles. C’est encore très compliqué.

Il y a beaucoup de défis mais au final je pense surtout qu’il faut réussir à changer l’état d’esprit par rapport à la différence en France.

Merci Oristelle

Emmanuelle MAINDRON